26 août 2008

Article de Jean-Marie Safra paru dans la croix du jeudi 21 août 2008

A la pagaie, il a beaucoup d'allure, ce drôle de Français. Pas seulement parce qu'il s'éloigne sans un mot dans son embarcation blanche sur l'eau lisse, que ce silence est miné­ral, quel spectacle est d'une beauté sans fard. On l'admire en vrai et on l'imagine, en gros plan, sur les écrans, ramant côté droit, l'autre jambe pliée, le regard fixe. Ses gestes ont le langage de la pureté. Il compose une fresque, un hymne même à ce qu'il reste de l'amateu­risme qui faisait autrefois le sel des Jeux olympiques. On appré­cie ce Français, impressionnant gaillard de 1,92m et 95 kg, mais absolu inconnu, qui nous restitue si joliment la vie d'autrefois. Cela fait du bien, au milieu de toute cette démesure. On se dit, même, que ce sont ces hommes-là ces champions que leur sport oblige à la modestie, _qu'il faut reconnaître et promouvoir. Le grand public, en France, l'a dé­couvert, hier, qualifié au bout de son effort, plié de fatigue sur son canoë, pas fier-à-bras mais sans doute les muscles en feu et le dos douloureux. Il a compati et l'a applaudi. C'était un grand jour mais, ce matin, combien sont-ils à se souvenir du nom et du prénom de Mathieu Goubel? Surtout, combien seront-ils, après les Jeux, à vouloir pagayer dans son sillage, si ce Nordiste de 25 ans n'est pas médaillé d'or?

Car voilà bien la nouvelle donne olympique : For, sinon rien. Mardi, le cycliste Michaël Bourgain était tout heureux d'être de bronze ? Hier, le véliplanchiste Julien Bontemps se ravissait d'être en argent? Tous deux ont crié leur fierté et leur bon­heur, mais la France a fait la fine bouche. La France compte son or: 4 médailles (deux en escrime, une en lutte gréco-romaine et une en natation). Il est maigre et la France, ce grand pays, ne comprend pas. De fait,, la_ court très loin derrière ses lauriers des derniers Jeux olympiques : 11 mé­dailles d'or à Athènes, 13 à Sydney, 15 à Atlanta, 8 à Barcelone, 6 à Séoul. Il reste quatre jours de compétition avant la cérémonie de clôture mais ne nous prenons pas pour des Chinois (44 médaillés d'or pour le moment). Il n'y aura pas de quoi pa­voiser, ni entamer un pas de danse avec la ministre des sports, derrière un drapeau tricolore, l'autre soir, au Club France. Mathieu Goubel a peut-être réservé ses meilleurs coups de pagaie pour la fin, Ladji Doucouré, ses meilleures foulées, les handballeurs, leurs meilleurs ballons, les boxeurs Kadhafi Djel­khir, Alexis Vastine et Daouda Sow, leurs meilleurs uppercuts ; et ne dit-on pas que la boxe est l'escrime des poings? Si le sport amateur a encore un sens, c'est grâce à eux.

Aucun commentaire: