A la pagaie, il a beaucoup d'allure, ce drôle de Français. Pas seulement parce qu'il s'éloigne sans un mot dans son embarcation blanche sur l'eau lisse, que ce silence est minéral, quel le spectacle est d'une beauté sans fard. On l'admire en vrai et on l'imagine, en gros plan, sur les écrans, ramant côté droit, l'autre jambe pliée, le regard fixe. Ses gestes ont le langage de la pureté. Il compose une fresque, un hymne même à ce qu'il reste de l'amateurisme qui faisait autrefois le sel des Jeux olympiques. On apprécie ce Français, impressionnant gaillard de 1,92m et 95 kg (plutôt 99), mais absolu inconnu, qui nous restitue si joliment la vie d'autrefois. Cela fait du bien, au milieu de toute cette démesure. On se dit, même, que ce sont ces hommes-là ces champions que leur sport oblige à la modestie, _qu'il faut reconnaître et promouvoir. Le grand public, en France, l'a découvert, hier, qualifié au bout de son effort, plié de fatigue sur son canoë, pas fier-à-bras mais sans doute les muscles en feu et le dos douloureux. Il a compati et l'a applaudi. C'était un grand jour mais, ce matin, combien sont-ils à se souvenir du nom et du prénom de Mathieu Goubel? Surtout, combien seront-ils, après les Jeux, à vouloir pagayer dans son sillage, si ce Nordiste de 25 ans (en fait 28) n'est pas médaillé d'or?
Car voilà bien la nouvelle donne olympique : For, sinon rien. Mardi, le cycliste Michaël Bourgain était tout heureux d'être de bronze ? Hier, le véliplanchiste Julien Bontemps se ravissait d'être en argent? Tous deux ont crié leur fierté et leur bonheur, mais la France a fait la fine bouche. La France compte son or: 4 médailles (deux en escrime, une en lutte gréco-romaine et une en natation). Il est maigre et la France, ce grand pays, ne comprend pas. De fait,, la_ court très loin derrière ses lauriers des derniers Jeux olympiques : 11 médailles d'or à Athènes, 13 à Sydney, 15 à Atlanta, 8 à Barcelone, 6 à Séoul. Il reste quatre jours de compétition avant la cérémonie de clôture mais ne nous prenons pas pour des Chinois (44 médaillés d'or pour le moment). Il n'y aura pas de quoi pavoiser, ni entamer un pas de danse avec la ministre des sports, derrière un drapeau tricolore, l'autre soir, au Club France. Mathieu Goubel a peut-être réservé ses meilleurs coups de pagaie pour la fin, Ladji Doucouré, ses meilleures foulées, les handballeurs, leurs meilleurs ballons, les boxeurs Kadhafi Djelkhir, Alexis Vastine et Daouda Sow, leurs meilleurs uppercuts ; et ne dit-on pas que la boxe est l'escrime des poings? Si le sport amateur a encore un sens, c'est grâce à eux.
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